Il y a trois ans, j’avais écrit ma première plaidoirie en arabe pour défendre ma première cliente, poursuivie pour « traffic international de drogue dure ». Je lui ai rendu visite au centre pénitentiaire d’Oukacha à Casablanca, à la demande de mon cousin de Strasbourg. J’étais choqué, littéralement affecté par son état. Je lui ai parlé. Elle est innocente. Elle a perdu ses papiers d’identité à Mulhouse, en France, des malfaiteurs les ont frauduleusement utilisés pour envoyer de l’argent à des trafiquants de drogue au Maroc, qui avaient tissé un réseau international entre l’Algérie, le Maroc, la France et la Colombie.

Comment Faire, pour sortir d’affaire cette pauvre jeune mère de famille, venue de France pour passer ses vacances avec son mari au Maroc, et qu’on arrête à l’aéroport d’Oujda Angad ?

Moi, avocat stagiaire, spécialisé en droit des affaires, maîtrisant l’arabe, mais pas au point d’en faire usage dans une plaidoirie salutaire pour sauver ma cliente des méandres et du gouffre kafkaïen, que dis-je ? de la descente aux enfers orphéenne que représente une condamnation privative de liberté de 7ans d’emprisonnement pour un innocent ?

Les parents de la jeune maman en détention depuis déjà 6 mois, avaient déjà commis les avocats casablancais les plus renommés pour La défense de leur fille. Quand j’assiste aux premières audiences, quel fut mon étonnement de ne pas les voir, et d’apercevoir uniquement ma cliente éplorée, amaigrie et fébrile sur le banc des accusés, cette image me fait dire alors qu’étant trop sensible, je ne suis pas fait pour le pénal, et du coup, cette affaire serait le premier et le dernier dossier correctionnel dont je m’occuperais.

Quoi qu’il en soit, je décortique ce dossier méticuleusement, je me documente tellement sur les délits liés au traffic de drogue et à la lutte contre la toxicomanie (le Dahir du 21 mai 1974) que j’en deviens un expert. J’élis presque domicile au pôle correctionnel du Tribunal d’Ain Sebaa.

Le président du tribunal me demande si je suis prêt pour qu’on mette le dossier en délibéré. C’est pour dire qu’il veut juger ce dossier qui a trop tardé et qui commence à lui taper sur les nerfs. D’autant plus que la convention d’entraide judiciaire avec la France a été suspendue, et que j’ai relevé plusieurs anomalies dans la procédure, j’ai envoyé plusieurs lettres au Consul français et même à l’Elysée, je n’ai reçu aucune réponse. J’accepte de mettre en délibéré et juger cette affaire dans une semaine, car moi-même je n’en peux plus.

Le jour de la plaidoirie je me détache majestueusement de mon texte et je m’adresse au tribunal avec une fougue dont je me serais jamais cru capable. Je refusais le PV de police et je refaisais les faits. Je donnais un cours magistral de droit pénal. Je n’étais pas moi-même. Je ne me reconnaissais pas. En finissaient, je m’incline en sueur vers mon confrère, acolyte et assistant dans cette affaire, je lui demande comment j’étais est-ce que mon arabe n’a pas été trop scolaire ? Il me dit qu’il n’a jamais entendu une plaidoirie aussi brillante. J’en avais les larmes aux yeux. Une semaine plus tard le président du tribunal correctionnel réputé pour être le plus cruel, innocenta ma cliente, le soir même je la fais sortir d’Oukacha et je l’incite à prendre le premier vol pour Paris le lendemain.

Je poursuis l’Etat pour cette erreur judiciaire lamentable, et réclame des dommages intérêts pour ma cliente.

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