Il n’est pas d’indice plus révélateur de notre humanité que celui de sentir au plus profond de soi la souffrance des autres, inconnus devenus d’un seul coup du destin tout proches. Reprocherait-on à l’avocat de faire preuve d’empathie à l’égard de son client ? C’est le propre du métier de la défense, cela vient tout simplement de la fascination pour l’être humain, pour tout ce qu’il recèle. Ceux qui ne l’ont pas compris ont choisi de faire un travail de mercenaires, je ne leur en tiens pas rigueur.
Le temps d’un procès on est submergés par l’affliction d’un innocent jeté en prison pour d’obscures accusations, juste parce qu’il est mis en cause par des malfrats de grand chemin mis aux arrêts. Quel crédit peut-on accorder en justice aux déclarations de malfaiteurs notoires ? Telle est toute la question.
Chaque jour m’apporte un exemple supplémentaire d’une justice aveuglément faillible. La loi demande au juge d’être impartial, dans le jargon juridique on dit qu’il doit instruire « à charge et à décharge ». Dans la pratique, le juge instruit à charge seulement, pis encore, il joue, lui aussi le rôle de l’accusation. Et balaye d’un revers de main tous les principes procéduraux auxquels la loi le soumet : le doute profite à l’accusé, la présomption d’innocence …
Les représentants du parquet jouent le rôle d’inquisiteurs vindicatifs et drapés dans leur principe sacro-saint de l’opportunité des poursuites, envoient par réflexe tous les prévenus ordinaires aux affres de la détention. Avec l’instruction, la mesure de la détention préventive, légalement limitée à un mois pour les délits se voit proroger indéfiniment.
Les juges marocains préfèrent priver les prévenus de leur liberté, alors que la loi considère la détention préventive comme « une mesure exceptionnelle ». Tout en sachant qu’ils peuvent  bel et bien ordonner d’autres mesures alternatives, comme la mise sous contrôle judiciaire ou le retrait du passeport et la fermeture des frontières, etc. Mais nos valeureux magistrats préfèrent l’incarcération et justifient machinalement cela par le fait que les nécessités de l’enquête l’exigent. En quoi la détention d’un père ou d’une mère de famille, malade, qui plus est, pourrait-elle servir l’avancement d’une enquête grippée et lente, je me le demande.
Quand on débat dans des rassemblements scientifiques avec les responsables judiciaires de la détention préventive outrancière, ils sont tous pour la présomption d’innocence et la poursuite en état de liberté….D’ailleurs le ministère de la Justice et des « Libertés », qui reste « malgré tout » le faiseur de « la politique criminelle » incite à plusieurs reprises les tribunaux à n’ordonner l’incarcération pendant l’enquête que dans des cas extrêmement rares. Sous leurs toges, les juges se refusent à  jouer le rôle de libres penseurs. Cette contradiction me laisse perplexe.

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